L'Ukraine, futur géant de l'agriculture ?
Je me souviendrai de mon périple Bulgaro-Ukrainien ! Pensez ! Une
nuit en catamaran sur la Mer Noire déchaînée… Croyez-moi, le pied marin
d’un agriculteur n’a pas résisté ! Au petit matin, soulagement. Les
éléments enfin calmés me laissent découvrir les gigantesques
infrastructures du port franc d’Odessa et matérialiser la vocation
exportatrice de l’Ukraine.
En pénétrant à l’intérieur du pays si,
comme moi, vous êtes agriculteur dans une région où les exploitations
font 30 hectares de moyenne, vous êtes frappés par l’immensité des
champs. Et vous comprenez que l’agriculture ait toujours été une force
de l’Ukraine. Ses cultures couvrent 42 millions d’hectares, dont 40 %
sur les fameuses tchernozem. Oh, vous ne connaissez pas ! Allez, je
l’avoue. J’ai découvert le nom là-bas. Il s’agit des terres noires,
aussi riches en humus que fertiles. Cela dit, si quelqu’un connaît
l’origine de leur teneur humifère, je prends.
Dès la fin de ma
première journée, j’ai mesuré les formidables atouts du pays et le
potentiel de son agriculture, avec des conditions pédoclimatiques très
propices à la production de céréales. Alors, vous vous interrogez.
Pourquoi ce pays n’est-il pas une puissance agricole mondiale ?
Sous
le régime soviétique, les exploitations sont divisées en sovkhozes
(fermes d’état), avec des fonctionnaires, en kolkhozes (coopératives)
avec des agriculteurs propriétaires d’une part de l’exploitation et en
lopins de terre (0,5 à 1,5 hectare), attribués à des ruraux ou des
urbains. C’est le vide juridique après l’effondrement du communisme. En
1999, les équipements sont obsolètes et, épuisés par le manque intrants,
les sols produisent 40 % de moins qu’en 1990. Depuis, des réformes
visent à privatiser les entreprises d’état et créer un financement
efficace.
J’ai été saisi par le rôle social de l’agriculture.
Pensez. Un tiers des Ukrainiens sont ruraux (16 millions). L’activité
agricole emploie 22 % des actifs et fait vivre plus de 40 % de la
population.
Les structures agricoles sont très hétérogènes. J’ai vu
se côtoyer, des lopins de terre, des fermes familiales de dizaines
d’hectares, des entreprises héritières des kolkhozes de milliers
d’hectares et des exploitations de 10 000 à 60 000 hectares, purement
capitalistiques, qui conservent des pratiques culturales très
extensives, et où optimum agronomique ne rime pas avec optimum
économique.
Si les millions de paysans des deux premières catégories
produisent l’essentiel des fruits et légumes du pays, ils ont des
revenus très modestes. En traversant le pays et en voyant ces petites
maisons avec deux vaches et quelques volailles qui picorent dans les
jardins, j’ai mesuré leur rôle structurant. Mais je m’interroge sur leur
avenir.
En malaxant de mes mains ces mythiques terres noires et en
rencontrant tous ces gens, j’ai réalisé le fabuleux potentiel de cette
agriculture. Malgré la rigueur hivernale et l’instabilité politique, son
l’essor s’inscrit dans le cadre d’une économie mondialisée et en fera
vite un acteur agricole incontournable.
Il est certain que le pays
s’intéresse plus à l’avenir de son économie qu’aux clivages politiques pro-russes ou pro-européens. Il reste que les agriculteurs français ne
doivent pas s’effrayer de l’éveil ukrainien. Les besoins alimentaires et
énergétiques de notre planète sont de plus en plus considérables ; tous
les paysans du monde ne seront pas de trop pour y répondre… si les
échanges internationaux sont réglés intelligemment.